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  • Photo du rédacteurConstance S.

L'Odyssée stonienne

Dernière mise à jour : 31 mai 2021

« Promets-moi qu'un jour on ira voir les Rolling Stones en concert ! »


Flash-back téléphonique 2007 avec ma tante, après que le groupe se soit produit au stade d’Anoeta.

C’est sur cette promesse tacite qu'a débuté notre épopée stonienne.

Après deux tentatives avortées l’an passé d'assister à l'un de leurs concerts à l’O2 Arena de Londres (prix exorbitants : billets+hébergement) et au Trabendo de Paris (informations reçues erronées), l'espoir rejaillit en fin de journée de mars 2014. Depuis les précédents échecs, je m'étais résignée à ne jamais les voir jouer un jour.

Je venais de recevoir un appel téléphonique de ma tante qui m'annonçait que le groupe allait passer au Stade de France en juin. Je n'étais absolument pas au courant, moi qui étais au parfum de toutes les news les concernant, moi qui guettais scrupuleusement leurs moindres dates de concert. Je ne comprenais pas comment j'avais pu passer à côté de pareille information.

Je n'avais pas pu les voir à Londres, il fallait que j'aille coûte que coûte assister au concert qu'ils donneraient dans le stade mythique de la plaine Saint Denis !

Manque de pot pour nous, les places s'étaient vendues comme des petits pains sortis tout droit du four en à peine cinquante et une minutes. Peu de groupes de cette envergure pouvait se vanter de remplir un stade en un temps record !

Un peu déçue de voir mon rêve m'échapper à nouveau, ma tante apporte une minuscule lueur d'espoir : un ami d’un ami à elle (qui travaillait au Stade de France) pouvait peut-être nous avoir des places, mais pas forcément bien situées. Pour ma part, je m'en fichais royalement, je voulais à tout prix aller LES voir !

Mais comme toute annonce de ce genre, il nous a fallu patienter quelques jours, ce qui eut le don de mettre mes nerfs à rude épreuve. Bien que cette alternative arrive à point nommé, je ne me faisais cependant pas la moindre illusion. Ce genre de plan m'était assez familier pour être voué au fiasco...

Je ne nourrissais aucun espoir particulier, mais je serrai intérieurement toutes les parties de mon corps en une prière silencieuse adressée aux divinités du rock'n'roll.

S'il vous plaît, faites preuve de clémence !

Je savais pertinemment que les Stones n'étaient plus tout jeunes et que bien qu'on entendait pour chaque tournée, qu'elle allait constituer l'ultime de la carrière du groupe, ils n'écumeraient plus pour bien longtemps les scènes du monde entier.

Ce serait le Stade de France ou jamais !

Le destin était désormais scellé dans les mains avides d'un parfait inconnu. Au bout de quelques jours, le coup de massue nous frappe toutes deux : il ne restait plus que des places à 500 € ! Je sais que j’aurais été capable de tout pour voir mon groupe : vendre un rein, ne plus m'alimenter jusqu'au mois de juin, me prostituer ... mais mon sacrifice avait ses limites. Je n'étais tout de même pas prête à lâcher une aussi importante somme d'argent, fût-ce pour voir Mick Jagger se déhancher avec ses mimiques inimitables.

C'est sous l'impulsion de ma meilleure amie que l'aventure prend un nouveau tournant.

Même si toutes les places étaient parties en un claquement de doigt, rien ne nous empêchait de les acheter sur le net. Après tout, c'est grâce à cette démarche qu'Amandine et moi avions pu passer une soirée d'anthologie au concert de U2 à Anoeta, en septembre 2010. Après avoir convaincu ma tante, avoir jugé que l'occasion ne se présenterait peut-être plus jamais et avoir calculé que l'événement valait qu'on prenne quelques risques, ma tante achète les places via une plate-forme de revente.

Elle les reçoit au bout de trois semaines. Trois longues et interminables semaines placées sous le signe constant de l'appréhension : « Et si les places n'arrivent jamais « ? « Et s’ils se gardent l'argent ? » « Et si ce site est une arnaque ? » Et bien pire encore : « Et si les billets sont faux ? »

Bien grand nombre d'interrogations qui agitaient nos esprits en ébullition.

Au bout de trois semaines, ma tante m'appelle et me fait écouter Start me up en guise de confirmation. Elle n'avait pas besoin de me l'annoncer. J'avais compris qu'on y était enfin arrivées. J'éprouvais à cet instant-là un indéfinissable soulagement. Ça y est, l'aventure allait pouvoir commencer, mon rêve le plus cher allait enfin pouvoir se réaliser.

Après avoir été bercée par leur musique pendant mon enfance, après m'être plongée dans toutes les biographies possibles et inimaginables, devenant une source intarissable d'anecdotes à leur sujet depuis maintes années, j'avais développé une fascination pour le leader charismatique du groupe et son âme-sœur de guitariste.

Alea Jacta Est : Vendredi 13 juin 2014 (date à marquer d'une pierre blanche), nous irons fouler de nos pieds le sol du Stade de France afin d'y passer une des meilleures soirées de nos vies.

Les semaines défilaient à vive allure et j'avais tellement de préoccupations personnelles en tête que je n'arrivais pas à m'imaginer que seulement quatre semaines me séparaient de mon rêve absolu.

Un mois avant le jour J, je fais une agréable découverte au gré de mes errances Youtubesque : un quatuor de jeunes britanniques, le vent en poupe, répondant au nom de « The Struts ». En à peine une écoute, je suis irrésistiblement et addictivement attirée par la voix du chanteur et tombe sous le charme de leur glam rock 70’s revival au point de passer leurs chansons en boucle quotidiennement. Je me fais la réflexion que j'apprécierais volontiers de les voir un jour se produire. C'est avec une joie non dissimulée que j'apprends via leur page Facebook qu'ils auraient l'honneur de faire la première partie des Stones. Un tremplin idéal pour booster la carrière de ces jeunes londoniens.

Les semaines se succèdent et chacune de nous se conditionne et se prépare à sa manière : écoute de la discographie partielle du groupe, rediffusion du concert donné à Hyde Park en juillet 2013.

C'est une semaine avant le jour tant attendu que je réalise enfin la chance que j’avais de faire partie des 74 000 et quelques spectateurs qui allaient reprendre, à l'unisson les tubes des Pierres qui Roulent.

Cependant les astres en avaient décidé autrement : ils avaient l'intention de mener une lutte acharnée contre ma petite personne. Trois jours avant le départ, je suis confrontée à un obstacle de taille : les grèves SNCF !

Décidément j'étais fidèle à ma réputation de « chat noir » ...

Il était absolument inenvisageable et totalement inconcevable que je ne puisse me rendre au concert de mes rêves !

Refusant de voir mon projet entravé, je me rabats sur un plan B et adopte la solution d'extrême urgence : sauter dans le premier avion. Je m'empresse de réserver à la hâte le premier vol matinal qui partait pour la capitale le vendredi matin, à seulement quelques heures de ma rencontre avec mes idoles.

C'est seulement une fois dans l'avion, bien calée au fond de mon siège, que je peux pousser un long soupir de soulagement, un large sourire s'étirant jusqu'à mes oreilles.


Will you get some satisfaction ?


Une fois sur le sol parisien, j'attends ma tante qui devait atterrir environ deux heures après moi. D'un commun accord, nous avions décidé de nous rendre ensemble chez ma cousine qui nous hébergeait. Après les embrassades de rigueur, le long périple jusqu'à l'appartement débute : RER et métros bondés à cause des grèves (où nous assistons à un début de joute verbale musclée entre deux femmes), marche sous un soleil de plomb avec nos valises.

Nous qui voulions arriver le plus tôt possible afin d'obtenir de meilleures places, c'était plutôt mal parti …

Nous arrivons chez Sonia vers 15 h 30 après nous être arrêtées acheter à manger dans un restaurant chinois. Environ une demi-heure plus tard, ravitaillées, pomponnées (il fallait se rendre présentable devant Mick et ses acolytes), ayant enfilé un débardeur à l'effigie de la très célèbre bouche lippue qui était devenue le logo du groupe, nous voilà en route pour le Stade de France. Bras dessus, bras dessous, révisant avec application nos classiques, nous marchons en direction du métro. L’œil parfaitement aiguisé, nous essayons de repérer d'éventuels fans susceptibles de se rendre sur le même lieu de pèlerinage que nous. Au milieu de la foule dense qui se précipitait et grouillait dans les rames du métro, nous repérons un groupe de gens avec le signe distinctif du logo le plus iconique de l'histoire du rock sur leurs t-shirts. Il ne fallait pas être sortis de l'université d’Oxford pour deviner que ce groupe se rendait au même endroit que nous. Discrètement, nous nous greffons à eux. À la sortie du métro, nous entamons une longue pérégrination en direction du Stade, nous mêlant à la foule des fans qui progressaient d'un pas rapide vers le point de rendez-vous. Anticipation, excitation, euphorie : tout autant de substantifs qui nous submergent alors que nous arrivons devant l'entrée, bercées par la musique stonienne qui jaillissait dans les enceintes des haut-parleurs d'une sono. Parmi cette foule qui s’amasse, des gens nous accostent, tentant de revendre leurs places à de potentiels acheteurs qui n'auraient pas eu la possibilité d'obtenir des billets pour l'événement.

Après avoir trouvé l'entrée U, nous tentons de nous insérer tant bien que mal dans l'interminable file d'attente. On n'en distinguait ni le commencement, ni la fin. Pendant que nous patientons, nous faisons la connaissance d'un trio d'anglais venus tout droit du Sussex pour venir encourager leurs compatriotes. Parmi eux, un vétéran (qui approchait l'âge de Mick et de sa bande) venait les admirer pour la quinzième fois. Il les suivait depuis leurs débuts et leurs premiers concerts en 1964. Dire qu'il avait connu l'ère Brian Jones …

Les minutes s'égrenaient lentement, terriblement lentement, beaucoup trop lentement, mais nous étions néanmoins heureuses de nous trouver ici. L'attente en valait nettement la peine. Les spéculations allaient bon train : quelles chansons allaient-ils jouer ? Allaient-ils jouer Satisfaction ? Qui allait être le mystérieux invité surprise qu'ils feraient monter sur scène ?

L'heure était aux questions-mystère.

Enfin, arrive le moment de vérité de l'épreuve du tourniquet où nous devons présenter nos billets : ma tante peut passer sans problème, alors que je suis « rejetée ». Allons bon ! La poisse allait me poursuivre partout, s'accrochant à moi telle une sangsue malveillante. J’étais si près, mais pourtant si loin du but. À seulement quelques mètres !

Après avoir failli frôler l'infarctus et sous la gentille moquerie du vigile, je passe enfin l'épreuve ultime du tourniquet avec succès.

Nous pénétrons dans l'enceinte du stade, remarquant que celui-ci n'était pas encore rempli, laissant voir des pans de tribunes entièrement vides. L’immense scène est entourée de trois écrans géants qui projetaient des publicités et affichaient les diverses variantes graphiques de la célèbre langue. Nous essayons de trouver un emplacement sur la pelouse. À cette heure-ci, nous n'avons aucun mal à nous déplacer, les gens étant clairement venus pour le quatuor mythique et non pour assister à la première partie.

Après avoir avalé rapidement notre sandwich, nous attendons avec impatience l'entrée du premier groupe : The Struts, prévue pour 19 h 30.

Autour de nous, les gens s'échauffent : « olas » dans les gradins, sifflements et cris en tout genre.

Le compte à rebours a déjà commencé dans ma tête. Le quatuor britannique fait son apparition sous les applaudissements en nous gratifiant d'un « Bonjour la France, nous sommes The Strrrrrrrrruts ! » aux alentours de 20 h 15.

À mon grand regret, nous n'étions pas assez bien placées pour pouvoir suivre à loisir le show que nous livrait le premier groupe. Un peu déçue par le manque d'enthousiasme du public, je tente d'apprécier les trop courtes minutes en leur compagnie, reprenant leurs chansons en chœur et les faisant partager par téléphone à ma meilleure amie. Je devais être la seule du stade à m'époumoner et sauter sur place, risquant presque devenir aphone avant même le début du show. Au bout de cinq chansons, nous ne comprenons pas vraiment ce qui se passe (car situées beaucoup trop loin), alors que le groupe est en train de jouer, la musique se coupe net et les Struts quittent la scène sans aucune explication, ni aucun adieu, me laissant une sensation d'amertume.

Nous apprendrons quelques jours plus tard qu'ils furent coupés car ils avaient explosé le temps qu'il leur était imparti, en arrivant en retard.

Syndrome de la diva : un classique dans cet univers !

À présent, les choses sérieuses étaient sur le point de commencer : je savais parfaitement que le groupe que je m'apprêtais à voir jouer n'était pas le même groupe qu'il y a quelques décennies, je savais qu'il ne fallait pas m'attendre à voir un Mick Jagger, agile, bondissant et gesticulant dans tous les sens. Mais mince, quel groupe digne de ce nom pouvait encore se vanter de remplir des stades entiers en à peine une heure ?

Quel autre grand groupe de l'âge d'or du rock existait encore à ce jour ?

J’allais me retrouver en face d'un véritable mythe vivant qui avait su façonner de manière très particulière son image au fil du temps. Un groupe qui avait révolutionné le monde du rock, qui lui avait apporté ses marques de noblesse et qui méritait son superlatif de plus grand groupe de rock de tous les temps.

Vers 21 h 30, la foule commence à s'agiter avec frénésie, le stade qui était maintenant plein à craquer se soulevait au rythme des coups de sifflets et de la cacophonie ambiante. Tout d'un coup les écrans géants sont assaillis par des pictogrammes colorés, au son d'une musique endiablée rythmée par des percussions. L'ambiance est à son paroxysme, tout le monde sentant l'arrivée imminente d'un événement concomitant. Pendant plus d'une minute, la foule s'impatiente, trépigne, hurle pendant qu'une voix, annonce, triomphale : « Ladies and Gentlemen, please welcome the…. Rolling … Stones !!! »

C’est sur les accords fiévreux et saturés d'un Jumping Jack Flash prometteur que le groupe ouvre les festivités, acclamé par une salve d'applaudissements. Je crois que si nous avions eu un applaudimètre à cet instant-là, nous aurions battu tous les records de décibels.

Tout en couleurs vêtus, les Stones, chacun à sa place, chacun dans son rôle, nous livre une version entraînante de leur succès.

S’enchaînent alors pendant deux heures les tubes : You got me rocking, It's only rock'n'roll, Tumbling Dice, Wild Horses, l'entraînant et vitaminé Doom and gloom, Bitch (titre choisi sur la demande du public, où Mick fait montre de ses talents d'harmoniciste), Out of Control, Honky Tonk Women (où le public semble partiellement se réveiller de son apathie), le très touchant You’ve got the silver (où Keith Richards s'installe devant le micro, chantant de sa voix rocailleuse marquée par les excès du temps, mêlant son jeu de guitare à son complice de toujours, Ron Wood), Can’t be seen, le mythique Midnight rambler où le groupe nous offre une version des plus magistrales, avec Mick Taylor en invité. Bien que le poids du temps se lise sur son visage et son allure physique, il répond avec virtuosité aux notes d'harmonica de Mick Jagger dans une version longue de plus de treize minutes. Sur cette chanson, plus aucun doute, nous avons à faire à un mythe. Avec leurs 70 ans bien tassés, ce groupe de génie nous embarque où il veut, entraînant avec lui une foule de spectateurs, suspendus aux moindres gestes de Sir Mick Jagger, répondant à chacune de ses sollicitations.

Le spectacle continue avec une version endiablée de Miss You (où Daryl Jones montre ses talents de bassiste dans un épique solo), Gimme Shelter (où à chaque première note de l'introduction, j'en ai la chair de poule. Sensation similaire garantie et dupliquée, lorsque Lisa Fisher entame les premières notes avec sa voix de velours). Avec Start me up, le stade se déchaîne, sautant, le poing en l'air et le signe manuel « rock'n'roll » adopté par la quasi-totalité des fans.

Puis, c'est vêtu d'une cape à plumes couleur ébène, que Mick Jagger, tel un prédicateur vient prêcher son admiration pour le grand cornu avec Sympathy for the Devil et termine par un Brown Sugar inoubliable. À la fin de la chanson, Mick, qui n'a cessé de taquiner son public, fait une dernière annonce.

Alors quoi, ça serait fini ? Ils ne vont tout de même pas partir sans jouer Satisfaction ? !

J’étais prête à monter sur scène et faire un scandale s'il le fallait !

Puis, la tête chaussée d'un béret, Mick accompagné de l'ensemble vocal Allegri nous gratifient d'un superbe Can’t always get what you want.

Puis, vient un court moment de silence avant d'entamer les premiers riffs désormais célèbres de Satisfaction.

Une version des plus endiablées dans laquelle les Stones semblent transcendés, extatiques, prenant autant de plaisir que leur public.

Au bout de huit minutes de transe, les Rolling Stones viennent, bras dessus, bras dessous, saluer la foule, venue massivement les acclamer.

C’est dans un état d'euphorie non contenu, des étoiles dans les yeux aussi nombreuses que cette nuit étoilée du vendredi 13 mars 2014, que nous pouvons nous dire : « We had some satisfaction tonight ! » Et que même si « je sais que ce n'est que du rock’n’roll, moi, j'aime ça ! »

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